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La Tanière du Loup Hirsute
4 août 2012

Salmigondi

Je me suis réveillé ce matin, en m'interrogeant sur le bien fondé de notre système de pensée, et des problèmes qui en découlent.

Notre système social, nos systèmes sociaux devrais-je même dire sont basés sur des valeurs. Notre façon de penser et d'agir est basée sur des valeurs.

C'est Nietzsche le premier qui m'a mis la puce à l'oreille dans « Ainsi parlait Zarathoustra » : l'homme est « celui qui évalue ». Quand on évalue deux choses, c'est pour déterminer comme on le ferait avec une balance virtuelle celle qui est « plus » et celle qui est « moins ». Il ne viendrait à l'idée de personne aujourd'hui de choisir quelque chose qui est le plus adapté à son besoin, même si c'est le moins, nous choisirions tous ce qui est « plus ».

Ainsi nos objectifs, notre évolution, nos inclinations sont basés sur l'évaluation : toujours aller vers le plus, ce qui est plus est mieux, allons toujours vers le mieux.

Mais quand on évalue deux choses, on ne le fait pas dans un contexte isolé : nous devons nous inclure dans la scène et dans l'équation, notre regard nous place vis-à-vis d'elles dans une situation de sélection et par voie de conséquence, de conflit.

Comment parler de vertu, d'altruisme, de compréhension, même de sagesse ?

Il faut être toujours plus fort, il faut être toujours plus intelligent, il faut être toujours plus beau, toujours plus vertueux, toujours mieux « évalué ». Notre besoin n'est plus un besoin en terme d'objet, mais un besoin d'abondance, ou plutôt devrais-je parler d'addiction l'abondance. Il nous faut toujours plus.

Notre système éducatif nous parle de civisme et d'égalité en droits alors que d'un autre côté on passe son temps à dire que ceux qui vont en filière S sont les meilleurs car ils ont les meilleures évaluations. On nous dit qu'un homme ne vaut pas mieux qu'un autre mais quelqu'un qui a de meilleurs résultats a de meilleurs opportunités : cela ne revient-il pas à contredire la précédente idée ?

Nous avons perdu l'essence et la compréhension même de ce que nous exprimons.

Les valeurs sont devenues un abus de notre langage et de notre façon de penser.

Dire qu'une chose est bien, c'est un jugement de valeur, un statut que l'on pose pour exprimer finalement que c'est une chose qu'on apprécie. Notre sentiment devient la cause d'un jugement péremptoire exprimé sur quelque chose : « j'apprécie cette chose » a pour conséquence « cette chose est bien ».

Par effet d'extension dire « je veux essayer cette chose parce que cette chose est bien », signifie en réalité « de nombreuses personnes apprécient cette chose et je veux l'essayer parce qu'en terme de probabilité elle peut me convenir » ou bien « de nombreuses personnes apprécient cette chose et je veux l'adopter pour me sentir partie d'un ensemble défini pour me construire une identité voir une sécurité».

La chose devient bien parce que de nombreuses personnes l'apprécient et la plébiscitent. Ces personnes deviennent une entité qui dit « cette chose est bien ». Dire comme eux signifie appartenir à leur groupe, les contredire signifie être rejeté par eux et donc rejeter quelque chose qui est bien, c'est à dire être mal.

En quelques lignes il est facile de démontrer l'effrayante facilité avec laquelle une telle dérive se propage et d'en envisager les conséquences : en oubliant leurs envies et par peur d'être rejetés et d'être mal, de nombreuses personnes vont soutenir la même chose que le groupe dominant par sécurité, et rejeter plus violemment ceux qui sont contre. Cela n'a plus d'importance de savoir si notre apprécions ou non l'objet de la discorde, il n'est plus un objet soumis à sentiment, il est un objet soumis à statut et ce statut accordé par l'évaluation de la majorité est « bien ». C'est une valeur. Si cette valeur perdure à travers les générations, elle sera « institutionnalisée » et ne pourra plus être contredite. C'est ainsi que nous avons érigé des aberrations comme base de notre société, perdu leur raison d'être et que nous nous sommes enfoncés dans un fanatisme absurde, opposé à tout changement de mentalité. C'est ainsi que nous avons érigé une société patriarcale, avec l'idée fortement discutable que l'homme était supérieur à la femme. Après tous ces siècles d'évolution et le récent boom technologique, le principe d'égalité en droit non seulement entre les hommes et les femmes mais aussi entre les hommes est quelque chose qui peine à être envisagé et discuté sereinement et à entrer dans les mentalités et dans les mœurs. Certaines sociétés et certains groupes y sont même fermement opposés. J'avoue que le savoir me reste en travers de la gorge et que l'énonciation même de « l'intelligence de l'homme » me donne envie de vomir.

Je devrais remercier ma mère et l'éducation qu'elle m'a donnée et qui a fait de moi l'idiot que je suis devenu. C'est parce que j'ai toujours eu de la peine à comprendre les codes sociaux et les comportements que j'ai cherché sans relâche à les comprendre, de leur source à leur paroxysme puis leur déclin.

Je crois fermement que la base de tous nos problèmes sociaux, économiques et vitaux se trouve là.

Le raisonnement par évaluation est déjà une porte ouverte aux abus et au fanatisme. En l'absence du pouvoir d'expliquer les jugements et les inclinations, la force et l'appréhension véhiculée par la foule et sa violence sont des instruments de dérive et de perdition.

Aujourd'hui nous pensons à rééduquer les délinquants : nous devrions nous rééduquer nous-mêmes. Nous transmettons des choses que nous ne comprenons plus, nous avons trop étudié et trop à transmettre pour qu'une seule vie y suffise et nous avons besoin de choisir ce qui est utile (utile pour quoi ?) par rapport à ce qui est superflu. Encore des valeurs. S'il devait y avoir une race inférieure, alors ce serait la race humaine tout entière.

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Commentaires
B
Pas mal ton pot de viandes diverses réchauffées ;)<br /> <br /> Est-ce qu'il n'y a pas une confusion entre évaluation et comparaison ?<br /> <br /> Pour le reste *soupir* spafô...
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